Maison de la Mutualité, 6 avril
"Mes chers amis,
En cette veille du week-end de Pâques, je voudrais vous dire ma joie d’être parmi vous ce soir, vous remercier de votre présence si nombreuse et si chaleureuse, et remercier très vivement Simone Veil d’être à mes côtés, non seulement ce soir, mais tout au long de cette campagne.
Je crois pouvoir me faire l’interprète, chère Simone Veil, de l’immense sentiment de respect, d’estime, d’admiration que toutes les personnes qui sont dans cette salle, et, au travers elles, toutes les Françaises et tous les Français, ont à l’égard de votre personne et des combats qui ont jalonné votre vie.
Les Français vous aiment, c’est un mot important, je n’ai pas peur de l’utiliser. Ils vous aiment parce que vous êtes l’image du courage, de la droiture en politique. Vous êtes l’image de la morale, vous êtes l’image des combats qui comptent vraiment...
Le combat pour la justice : je pense à ces milliers de femmes qui se faisaient avorter dans des conditions sordides il n’y a pas si longtemps, et dont vous avez porté la souffrance silencieuse. Le combat pour la paix et pour l’Europe, parce que vous avez vécu dans votre chair les drames de la division de notre continent. Le combat pour la mémoire, parce qu’après le plus grand crime jamais commis contre l’humanité, les hommes n’ont plus le droit d’ignorer ce dont ils sont capables lorsqu’ils laissent émerger en eux leurs pulsions les plus viles.
Les Français connaissent votre parcours, le drame de votre famille décimée par la guerre, le courage et la détermination qui ont été les vôtres pour survivre, revenir et laisser la vie reprendre le dessus. Ils savent moins les épreuves personnelles que cette vie vous a, par la suite, de nouveau infligés. Pour ma part, j’avais 20 ans quand vous avez fait voter par le Parlement la loi sur l’avortement. Votre détermination, votre force tranquille, votre sérénité, devant ce Parlement encore plus masculin qu’aujourd’hui, m’avaient alors marqué. Vous étiez portée par la conviction de mener un combat juste.
La justice, le progrès, la solidarité, la fraternité, c’est ce qui fait l’honneur de la politique.
C’est Victor Schoelcher qui abolit l’esclavage. C'est Victor Hugo qui préfère l’exil à l’absence de liberté. C’est Jules Ferry qui invente l’école laïque, gratuite et obligatoire. C’est Clémenceau qui se bat jusqu’au dernier quart d’heure, car il est celui de la liberté victorieuse. C’est Léon Blum qui invente les congés payés. C’est Mendès France, jeune député et seul élu de gauche à voter contre la participation de la France aux Jeux Olympiques de Berlin. C’est de Gaulle qui lance l’appel du 18 juin, donne le droit de vote aux femmes et crée la sécurité sociale. C’est Valéry Giscard d’Estaing qui vous demande de saisir le Parlement d’une loi légalisant l’avortement. C’est François Mitterrand qui supprime la peine de mort. C’est Jacques Chirac qui reconnaît la responsabilité de la France dans la déportation des juifs, fait entrer les Justes au Panthéon et interdit le voile à l’école car le voile est une soumission.
Vous figurez, chère Simone Veil, parmi cette longue liste d’hommes et de femmes qui ont œuvré pour faire de notre pays un pays de liberté et de fraternité. C’est un honneur pour moi que vous ayez accepté de me soutenir et je vous en remercie profondément.
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Je n’oublie pas que les droits des femmes dans notre pays ne sont pas si anciens. Il y a à peine plus de soixante ans, les femmes étaient censées ne pas être assez intelligentes pour voter. Il y a moins de quarante ans, elles devaient demander l’autorisation de leur mari pour travailler et ouvrir un compte bancaire. Il y a trente ans, elles n’avaient pas la maîtrise de leur corps et au fond, parce qu’il faut dire les choses comme elles sont, on leur déniait le droit d’avoir une sexualité. Combien de femmes ont dû renoncer à certaines études, à certains métiers, parce qu’à l’époque, ce n’était pas pour elles ? Combien ont subi le mépris de leur entourage parce qu’elles étaient divorcées, célibataires ou sans enfant ? Tout cela c’était hier.
Leurs conquêtes nous paraissent évidentes, elles sont en réalité fragiles et fort incomplètes.
Elles sont fragiles dans les banlieues où des jeunes filles n’ont pas accès à la contraception, où des jeunes femmes ne peuvent pas voir le médecin de leur choix, où des mères de famille n’ont pas le droit de sortir et d’apprendre le français, où des femmes immigrées subissent l’humiliation et la blessure d’amour de la polygamie, quand ce n’est pas l’horreur de l’excision.
Je veux vous dire que ces situations sont inacceptables sur le territoire de la République. Mais je veux vous dire aussi, parce que c’est la vérité, que cela fait trop longtemps qu’on les tolère. Comme on a toléré trop longtemps que ce soient les femmes battues qui quittent, la nuit, avec les enfants, le domicile conjugal.
Eh bien, je veux vous dire ce soir que ces situations, nous ne les tolérerons plus. Il n’y a pas plus de fatalité au mépris élémentaire des droits des femmes sur le territoire de la République, qu’il n’y a de fatalité au chômage, à la pauvreté, à l’échec scolaire.
Les droits des femmes sont fragiles et incomplets dans leur vie professionnelle. On persiste, dans notre pays, à préférer embaucher un homme plutôt qu’une femme, parce qu’une femme peut être enceinte et ses enfants malades. C’est inacceptable. A diplômes et à compétences égales, les femmes n’ont pas les mêmes salaires que les hommes. Ce n’est pas tolérable. Et que dire de l’épaisseur du « plafond de verre », cette frontière de l’accès aux emplois supérieurs que les femmes ont tant de mal à franchir ?
De Marie Curie à Geneviève de Gaulle, de Lucie Aubrac à Marguerite Yourcenar, de Simone Weil la philosophe à Simone Veil présente parmi nous ce soir, de Maud Fontenoy à Hélène Darroze, et tant d’autres encore, les femmes ont montré qu’elles pouvaient faire tous les métiers, embrassé tous les combats, ni mieux, ni moins bien que les hommes.
Je veux faire de l’égalité salariale et professionnelle entre les hommes et les femmes un axe majeur de mon quinquennat. Je veux que nous visions le même niveau d’égalité et de modernité que celui des pays scandinaves.
Je veux qu’à l’école, on apprenne aux filles que leur désir de faire des études et de réussir n’est pas moins légitime que celui des hommes. Je veux que lorsqu’elles en ont les capacités, on les oriente vers les filières les plus exigeantes, notamment les filières scientifiques.
Je donnerai deux ans aux entreprises pour aligner les salaires des femmes sur ceux des hommes. Une entreprise comme Axa l’a fait. Il n’y a pas de raisons que les autres n’y arrivent pas. Et je le ferai sous peine de sanctions car cela fait cinquante ans que, sans sanction, on n’y arrive pas.
Et je veux que l’Etat soit exemplaire pour la promotion professionnelle des femmes. Pour chaque nomination, j’exigerai que l’on examine autant de candidatures féminines que de candidatures masculines. Je suis pour une démocratie irréprochable. Et une démocratie irréprochable, c’est une démocratie qui donne la même chance aux hommes et aux femmes.
Les droits des femmes sont fragiles et incomplets au moment de la retraite. Je veux parler ce soir de la pauvreté des femmes âgées. Parce que derrière la pudeur et la réticence à en parler, se cachent d’immenses injustices.
L’injustice faite à celles qui ont travaillé toute leur vie aux côtés de leur mari et dont on a accepté pendant des années qu’elles n’acquièrent aucun droit propre à la retraite. L’injustice faite à celles qui subissent, dans le montant de leur retraite, les conséquences de carrières entrecoupées par les grossesses et l’éducation des enfants. Si nous devons réformer les régimes spéciaux de retraite, c’est pour pouvoir revaloriser ces petites retraites.
L’injustice faite aux veuves, dont les pensions de réversion, si ce n’était l’intervention du minimum vieillesse, sont inférieures à 300 euros en moyenne. Quand un homme a travaillé toute sa vie, il doit pouvoir mourir dans la certitude que sa femme aura un minimum décent pour vivre. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ce n’est pas une juste récompense du travail. J’augmenterai le taux des pensions de réversion. Quand un homme et une femme vivent ensemble, les cotisations retraites de l’un ne sont pas les siennes, mais celles du couple.
L’injustice faites aux femmes qui se consacrent exclusivement à l’éducation de leurs enfants, qui n’ont pas recours aux crèches et aux services d’accueil de l’enfance, mais qui n’ont droit ni à une pension de retraite, ni même à une sécurité sociale indépendante de leur mari. Je donnerai des droits sociaux et des droits à la retraite aux mères de famille qui se consacrent exclusivement à l’éducation de leurs enfants.
L’injustice des droits de succession entre époux, alors qu’une femme est solidaire de la dette fiscale de son mari. Je supprimerai les droits de succession entre époux. Et je supprimerai la solidarité fiscale qui pèse sur tant de femmes doublement victimes des indélicatesses de leur mari à l’égard du fisc et de leur infidélité conjugale.
Enfin, je souhaite que nous engagions un grand programme de prévention et de recherche sur les maladies qui touchent spécifiquement les femmes. Une femme meurt toutes les heures d’un cancer du sein. C’est considérable alors que c’est, bien souvent, évitable. C’est une immense injustice. Je protégerai la spécialité de gynécologie médicale qu’on a voulu supprimer par le passé. Et je renforcerai les fonds publics consacrés à la recherche sur les maladies de la femme, les cancers, l’ostéoporose, les maladies de la vieillesse et notamment la maladie Alzheimer qui touchent particulièrement les femmes parce qu’elles vivent plus longtemps.
Une femme qui souffre de la maladie d’Alzheimer, c’est une femme doublement fragile. Fragile parce que c’est une femme, fragile parce qu’elle est malade. Vous le craignez pour vos mères, vous le craignez pour vous-mêmes. Les années que nous gagnons en espérance de vie doivent être des années en bonne santé. Je ferai des maladies de la vieillesse une priorité de santé publique. Prévenir et guérir ces maladies, ce serait un immense progrès pour toute l’humanité.
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Je n’oublie pas non plus que, passées les frontières de la France et des pays démocratiques, il existe dans le monde une moitié de l’humanité qui, non seulement n’a pas les mêmes droits que les hommes, mais n’a même pas les droits élémentaires que l’on reconnaît aux êtres humains. Le droit d’apprendre à lire, le droit de s’habiller comme on veut, le droit de faire des études, le droit à la sexualité, le droit de choisir son mari, le droit d’en aimer un autre, le droit de ne pas en avoir, le droit de conduire, le droit de maîtriser son corps et le nombre de ses grossesses, le droit de refuser une relation sexuelle, le droit d’être autonome.
Il n’est pas si loin le temps où le monde entier restait sourd aux cris des femmes afghanes. Aucun grand pays ne s’est levé quand ces femmes ont été traitées moins bien que des bêtes.
Chère Simone Veil, je serai fidèle au combat qui a été le vôtre pour les femmes françaises, en portant dans le monde une parole forte de la France en faveur des droits des femmes.
Dans l’élan de la pensée des Lumières, la France a fait des droits de l’homme une valeur universelle. Je vous propose qu’elle s’engage aujourd’hui dans le combat pour les droits des femmes.
Dans le monde entier, la parole de la France est celle de la liberté, de l’humanisme, du respect des droits de l’homme. C’est une parole espérée par ceux qui attendent la démocratie et crainte par ceux qui ne l’aiment pas. Eh bien, je veux dire ce soir que nous serons à la hauteur de notre réputation. Nous ferons du prestige de la France le levier d’un combat en faveur des femmes. Parce que quand la France se tait, c’est l’injustice et la haine qui en profitent. Alors que quand la France parle, le monde entier devient meilleur.
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Mes chers amis, je veux que la France s’investisse dans le combat pour le droit des femmes. Je veux aussi qu’elle s’inspire de leurs valeurs.
Les valeurs des femmes, c’est la générosité, le don de soi, le travail, l’engagement, la famille, la paix, la vie. Ces valeurs, je veux les mettre au cœur de la société.
Les femmes ont trois vies. Je pense même qu’elles en ont quatre aujourd’hui. Leur vie de femme, leur vie de mère, leur vie professionnelle, auxquelles s’ajoute désormais la prise en charge de nos parents âgés. Je n’ignore pas que, pour beaucoup d’entre vous, après vous être occupées de vos enfants, vous vous occupez de vos parents en fin de vie.
Le travail est une valeur profonde des femmes. Je veux d’ailleurs dénoncer une autre injustice. L’injustice qui fait du travail des femmes un fait historique récent. Les femmes ont toujours travaillé. Elles ont travaillé dans les fermes, dans les usines, dans les mines, dans les administrations, dans les bureaux, dans les hôpitaux, les hospices et les orphelinats, dans les emplois domestiques. C’est une drôle de vision de l’histoire et de la société que de penser que les femmes ont attendu la deuxième moitié du XXème siècle pour travailler.
Je veux remettre, vous le savez, le travail au cœur de la société. La France traverse une crise morale profonde : la crise du travail. Je veux remettre la France au travail.
Je veux que ceux qui travaillent puissent travailler plus pour gagner plus. Que l’on cesse de dépenser chaque année 23 Mds d’euros, plus de la moitié du déficit de l’Etat, à payer les Français pour qu’ils travaillent moins, quand il y a tant de choses à faire.
Je veux que ceux qui veulent travailler puissent trouver un emploi.
Et je veux dire à ceux qui ne travaillent pas alors qu’ils le pourraient, que travailler est un devoir. Chacun est libre de ne pas travailler, mais celui qui ne travaille pas doit gagner moins que celui qui travaille. Et s’il touche un minimum social, il doit avoir une activité d’intérêt général.
Je veux aider les femmes à concilier leur quatre vies. Parce que l’autonomie est la première condition de la liberté des femmes. C’est pourquoi je veux que chacune d’entre vous puisse travailler si c’est son choix, sans sacrifier sa vie de mère, ni sa vie de femme. .
Je veux que les services publics soient ouverts au moment où vous en avez besoin. A l’heure de midi, en fin d’après-midi, le samedi. Je veux que les maires puissent autoriser l’ouverture des commerces le dimanche. Je veux créer dans tous les établissements scolaires des études dirigées pour que vous puissiez rentrer chez vous en sachant que les devoirs ont été faits et bien faits. Je veux que l’Etat montre l’exemple en commençant nos journées plus tôt, en les finissant moins tard. Parce que ce sont dans les réunions tardives que se jouent les carrières, et que trop de femmes sont déchirées entre leur désir légitime de réussite et l’attention qu’elles veulent porter à leurs enfants.
Il faut régler une fois pour toutes le problème de la garde des enfants de moins de trois ans. Je rendrai opposable devant les tribunaux le droit à une solution de garde pour tout enfant de moins de trois ans. Pour ces enfants, chaque famille recevra une allocation qu’elle pourra utiliser pour payer une place en crèche ou recourir à une assistante maternelle. Je veux que l’argent que l’Etat consacre aux crèches vous soit directement donné. C’est vous qui déciderez qu’à tel endroit on ouvre une crèche, et non pas l’Etat ou les communes. Il n’est pas normal qu’il soit si difficile d’ouvrir des crèches d’entreprise, des crèches associatives ou des crèches municipales alors que le besoin est si grand.
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Le travail, c’est aussi la valeur du don de soi et de l’engagement. En cette veille du week-end de Pâques, je veux saluer toutes celles qui, en France ou loin de chez nous, sont engagées dans les congrégations, dans les monastères, au service des plus pauvres, des plus malades, des plus déshérités. Ce sont vos sœurs ou ce sont vos filles.
Je veux que nous ayons une pensée pour les femmes qui sont seules et qui, pour beaucoup, mettent cette solitude au service de l’engagement associatif.
La politique ne doit pas seulement parler des problèmes qu’elle doit résoudre. Elle doit aussi parler de la vie des hommes et des femmes de ce pays, de leurs joies, de leurs souffrances, de leurs espérances. Oui, la solitude est une souffrance pour beaucoup d’entre nous, et notamment pour les femmes. Oui, ne pas avoir d’enfants est une blessure. Mais mariés ou célibataires, père et mères de famille ou sans enfants, il n’y a que les égoïstes qui ratent leur vie.
Je veux que la valeur de l’engagement et du bénévolat soit reconnue. Je propose que tout engagement régulier dans une association d’intérêt général soit valorisé par des stages de formation gratuits, par des points supplémentaires dans les examens scolaires et universitaires – il n’y a pas que des jeunes délinquants dans notre pays, il y a aussi des milliers de jeunes qui s’engagent et qui se préparent à leur vie adulte – ou encore par des droits à la retraite.
Et si je propose de créer le service civique obligatoire, c’est parce que je pense que celui qui ignore la valeur de l’engagement est moins riche que celui qui la connaît. Je veux donner à tous les jeunes de notre pays la chance d’élargir l’horizon de leur désir.
Si l’on n’apprend pas aux jeunes que réussir sa vie, ce n’est pas seulement réussir ses études, avoir un bon métier et une belle voiture, mais c’est aussi se donner aux autres, sortir de la prison dorée de l’individualisme, s’engager pour des causes universelles, lutter contre l’injustice, essayer de rendre un peu meilleur le monde autour de soi, alors beaucoup de nos jeunes rateront leur vie.
Si l’on n’apprend pas aux jeunes que la clé du bonheur n’est pas la réussite matérielle, mais la réussite humaine, alors beaucoup de nos jeunes auront des déconvenues.
Je suis pour une société du respect. Une société qui respecte, non pas ce qui est le plus fort ou le plus clinquant, mais ce qui compte vraiment, ce qui est vraiment valable : la fragilité d’un jeune enfant ou d’une femme âgée, le travail, le mérite, le savoir, l’engagement, le don de soi, l’humilité, la générosité, la fraternité.
Je veux que ces valeurs, on les transmette à vos enfants à l’école. Je ne pense pas que la mission de l’école se limite à l’apprentissage des savoirs. L’école de la République doit aussi transmettre les valeurs de la République.
C’est pourquoi je veux une école sans portable, sans cigarette et sans casquette.
Une école où les élèves se lèvent quand le professeur entre dans la classe.
Une école qui revalorise la condition des enseignants. On ne peut pas prétendre vouloir donner la priorité à l’éducation et au savoir si on laisse nos enseignants dans la situation indigne qui est la leur.
Une école plus sûre. Je n’accepte que vos enfants soient rackettés ou frappés sur le chemin ou dans les cours d’école.
Une école où les enfants valides sont scolarisés avec les enfants handicapés. La moitié des enfants handicapés n’ont pas accès à la même école que les autres enfants. Dans ce pays qui a inventé, il y a plus d’un siècle, l’école gratuite et obligatoire pour tous, comment pouvons-nous accepter une telle injustice ? Je rendrai opposable devant les tribunaux le droit des enfants handicapés d’être scolarisés dans l’école de leur quartier. Je ne le ferai pas dans deux ans ou dans cinq ans. Je le ferai immédiatement, parce que nous avons déjà attendu trop longtemps.
Le handicap, c’est une leçon de courage, de volonté, de soif de la vie. On ne peut rien faire de mieux pour apprendre à nos enfants les vraies valeurs de l’existence que de les faire vivre à l’école avec des enfants handicapés.
Et puis je veux enfin une école où les familles ont des devoirs, mais aussi des droits.
Je protégerai le droit des enseignants à être respectés par les parents d’élèves. Répondre aux convocations des enseignants et des responsables d’établissement est un devoir pour les parents. Assumer sa mission éducative également. Je veux aider les parents qui ont des difficultés à exercer leur rôle éducatif, mais je mettrai aussi sous tutelle les allocations familiales de ceux qui y ont renoncé.
Pour autant, je n’accepte pas que les parents soient considérés comme des membres parmi d’autres de la communauté éducative. Les parents ne sont pas membres de la communauté éducative, ils sont les premiers responsables de l’éducation de leurs enfants. Je ferai abroger par le Parlement cette disposition de la loi Jospin de 1989, qui a mis en œuvre une vision tellement dogmatique et idéologique de l’école.
Vous avez des droits sur l’école de vos enfants. Le droit de connaître les performances de l’établissement et celles de votre enfant dans la classe. Le droit d’être immédiatement informés que votre enfant décroche, et non pas à la fin du trimestre. Le droit d’être reçus par les enseignants et le chef d’établissement quand vous le demandez. Le droit de retirer votre enfant d’une école dont le niveau ne permet pas de lui garantir un avenir.
C’est pour cela que je veux supprimer la carte scolaire parce que choisir l’école de ses enfants est à mes yeux une liberté fondamentale.
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Mes chers amis, si je veux réhabiliter le travail, c’est parce que la France ne peut pas continuer à être le pays qui travaille le moins en Europe. Mais le but, ce n’est pas le travail pour le travail. Le but, c’est le travail pour créer des richesses, et la création de richesses pour favoriser l’épanouissement de chacun et pour renforcer la solidarité.
Si j’attache tant d’importance au travail, à notre économie, à notre croissance, c’est parce que, fondamentalement, ils sont la condition de notre cohésion sociale, de notre fraternité, de nos politiques de solidarité.
Le défi de l’allongement de la vie et de la dépendance, c’est un défi majeur pour notre temps. Je sais que ce sont les femmes qui vont jouer un rôle essentiel pour accompagner nos personnes très âgées dans les dernières années de leur vie.
Je veux que la France soit un modèle dans la prise en charge des personnes âgées et dépendantes. L’honneur d’une civilisation, c’est la manière dont elle s’occupe des plus fragiles d’entre nous : la petite enfance, les personnes handicapées, les malades, les personnes âgées.
Je veux créer une cinquième branche de la protection sociale pour prendre en charge la dépendance. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que nous devons créer, dans notre organisation administrative et sociale, un organisme dont le but sera de préparer notre pays au défi de la dépendance, et de veiller à ce que, sur tout le territoire, de manière égale, il existe les structures suffisantes pour prendre en charge les personnes en perte d’autonomie. Cet organisme aura des ressources spécialement affectées. C’est la seule manière de garantir que nous consacrons assez d’argent à cet enjeu.
Je veux que nous ayons deux objectifs. D’abord le droit absolu au maintien à domicile pour tous ceux qui le souhaitent. Rester chez soi, mourir dans le lieu qu’on a aimé, où l’on a vécu, c’est une liberté fondamentale. Cela suppose de développer les aides ménagères ainsi que les aides médicales et paramédicales à domicile.
Ensuite, je veux que nous luttions contre la solitude des personnes âgées. Ne pas être seul, c’est encore plus important que d’être bien logé ou bien nourri. Je veux que nous « aidions les aidants à aider », c’est-à-dire à être présents auprès de leurs proches très âgés. Le rôle de la solidarité, c’est la prise en charge matérielle des personnes dépendantes. Le rôle des familles, c’est leur prise en charge affective. Nous créerons en particulier un congé rémunéré qui permettra à chacun d’entre nous de cesser temporairement son travail pour s’occuper d’un proche en fin de vie.
Et puis quand j’entends certains se demander ce qu’on va faire faire aux jeunes pour le service civique obligatoire, je me dis qu’il y a des gens qui n’ont pas beaucoup d’imagination. Eviter la solitude des personnes âgées, voilà une mission pour le service civique obligatoire, notamment en milieu rural. Si l’on arrivait à créer cette chaîne de solidarité entre les jeunes et les plus âgés, pour que les uns ne soient jamais seuls et pour que les autres élargissent les dimensions de leur cœur, eh bien je pense que nous aurions fait quelque chose de grand pour notre pays.
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Chère Simone Veil, je voudrais, si vous me le permettez, saluer une autre femme qui n’a pas été épargnée par la vie, qui a exercé des responsabilités politiques à la même époque que vous, qui a été membre du Conseil constitutionnel dans la même équipe que vous, une femme qui fait partie de notre famille politique, une femme remarquable elle aussi de courage et de valeurs, je veux parler de Monique Pelletier.
Aujourd’hui, Monique Pelletier se consacre à la question du handicap. Je veux dire ici que le handicap, cela doit être l’autre grand volet de la réconciliation de la France avec son idéal de fraternité.
Je ferai tout pour accélérer l’application de la loi de 2005.
L’objectif premier, cela doit être la mixité. Les personnes handicapées veulent étudier, travailler, faire du sport, aller au spectacle, au restaurant, au cinéma, avec les personnes valides. Pas à part ou à côté. L’accessibilité des transports et des bâtiments publics aux personnes handicapées doit être une priorité absolue.
Et puis je veux que toutes les personnes handicapées qui le veulent puissent avoir un emploi. Nous devons tout faire pour que le quota de 6% soit respecté en pratique, pas seulement sous la forme d’une amende.
Le handicap, cela peut frapper chacun d’entre nous à tout moment. Si nous devons créer des richesses, c’est pour pouvoir être prêts à répondre au défi du handicap quand il s’abat sur une personne et sur une famille.
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Mes chers amis, ce soir, j’ai voulu vous parler avec mon cœur de ce qui fait la vraie grandeur de la politique : le progrès, la justice, l’amélioration permanente de la vie des hommes et des femmes.
Je veux changer la manière de faire de la politique dans notre pays.
Je veux que nous puissions parler des vrais sujets, avoir un discours de vérité.
Je veux que la politique redevienne l’art de tout rendre possible. Qu’elle ne soit plus le symbole de l’immobilisme, de la résignation, du renoncement, mais au contraire le symbole de tout ce que l’on peut faire avec la politique, grâce à la politique.
Et puis je veux aussi que la politique n’ait plus peur de parler de ce qui est vraiment important : la vie, la mort, la famille, la solitude, la maladie, la fraternité, l’espérance.
Et cela les femmes l’apprennent souvent plus tôt que les hommes.
La politique ne peut pas tout. Elle ne peut pas réconcilier les familles divisées. Elle ne peut pas guérir les maladies inguérissables. Elle ne peut pas réparer les blessures de ceux que la vie a martyrisés. Elle ne peut pas rendre l’espoir à ceux qui n’ont plus aucune raison d’espérer.
Mais elle doit refléter, la politique, ce qui est le vrai cœur de la vie des hommes et des femmes.
Voilà pourquoi, ce soir, j’ai voulu vous parler de l’enfance, de la vieillesse, de la maladie, du handicap, de l’engagement, de la famille, c’est-à-dire, au fond, de la vie."